écrits

La pratique du dessin de Cédric Torne est liée au dessin d’architecture et ses outils qui façonnent le geste et exercent l’œil. Les relations entre volumes, échelles et surfaces y côtoient le vertige des vides, des zones blanches et des silences qu’éprouve le corps dans ses déplacements incessants, confronté à l’exigence d’une observation accrue, méthodique et obsessionnelle du réel. Les formes de bâtiments, de villes et de paysages se fixent alors sur la mémoire de la rétine comme les incisions des traits à l’encre noire qui transcrivent le monde en images tout en échappant aux schémas d’une représentation automatique. Car observer, comme remarque Paul Valéry, c’est, pour la grande part, imaginer ce que l’on s’attend à voir. Le dessin devient alors une opération complexe qui individualise la notion des savoirs et des connaissances comme celle de l’espace et du temps... 

Anna Olszewska, commissaire d’exposition indépendante.



J’ai laissé la canne sur le bord. J’ai laissé ma veste, mon pull et ma chemise à côté. Je suis entré dans la rivière. Elle était noire et brillante. Telle- ment glacée qu’elle paraissait brûlante. J’ai pris quelques secondes pour ré- guler ma respiration. Il faisait jour à présent. Une main solidement agri- pée à la berge boueuse, je me suis baissé, jusqu’ à ce que ma joue atteigne l’eau. j’ai respiré, le plus calmement malgré le froid. Puis j’ai glissé l’autre main, tout doucement sous la berge, dans le ventre de la rivière. J’ai tendu mon bras le plus loin possible entre les racines et le limon dans l’obscuri- té aquatique. Avec peur et confiance mêlées. Sans savoir ce que je trouverais.
Thomas Vinau dans ici ça va Alma éditeurs.